Page:Anatole France - Thaïs.djvu/120

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sirs auxquels elle était vouée. Comme elle savait que sa beauté, encore intacte, ne durerait plus longtemps, elle se hâtait d’en tirer toute joie et toute gloire. Au théâtre, où elle se montrait avec plus d’étude que jamais, elle rendait vivantes les imaginations des sculpteurs, des peintres et des poètes. Reconnaissant dans les formes, dans les mouvements, dans la démarche de la comédienne une idée de la divine harmonie qui règle les mondes, savants et philosophes mettaient une grâce si parfaite au rang des vertus et disaient : « Elle aussi, Thaïs, est géomètre ! » Les ignorants, les pauvres, les humbles, les timides, devant lesquels elle consentait à paraître, l’en bénissaient comme d’une charité céleste. Pourtant, elle était triste au milieu des louanges et, plus que jamais, elle craignait de mourir. Rien ne pouvait la distraire de son inquiétude, pas même sa maison et ses jardins qui étaient célèbres et sur lesquels on faisait des proverbes, dans la ville.

Elle avait fait planter des arbres apportés à grands frais de l’Inde et de la Perse. Une eau vive les arrosait en chantant et des colonnades en ruines, des rochers sauvages, imités par un