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Page:Anatole France - Thaïs.djvu/127

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— Thaïs, ne raille point. Je t’apporte l’amour inconnu.

— Ami, tu viens tard. Je connais tous les amours.

— L’amour que je t’apporte est plein de gloire, tandis que les amours que tu connais n’enfantent que la honte.

Thaïs le regarda d’un oeil sombre ; un pli dur traversait son petit front :

— Tu es bien hardi, étranger, d’offenser ton hôtesse. Regarde-moi et dis si je ressemble à une créature accablée d’opprobre. Non ! je n’ai pas honte, et toutes celles qui vivent comme je fais n’ont pas de honte non plus, bien qu’elles soient moins belles et moins riches que moi. J’ai semé la volupté sur tous mes pas, et c’est par là que je suis célèbre dans tout l’univers. J’ai plus de puissance que les maîtres du monde. Je les ai vus à mes pieds. Regarde-moi, regarde ces petits pieds : des milliers d’hommes paieraient de leur sang le bonheur de les baiser. Je ne suis pas bien grande et ne tiens pas beaucoup de place sur la terre. Pour ceux qui me voient du haut du Serapeum, quand je passe dans la rue, je ressemble à un