Page:Anatole France - Thaïs.djvu/181

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palefreniers tourner la meule. Zénothémis pressait dans ses bras Philina défaite. Dorion versait sur la gorge nue de Drosé des gouttes de vin qui roulaient comme des rubis de la blanche poitrine agitée par le rire et que le philosophe poursuivait avec ses lèvres pour les boire sur la chair glissante. Eucrite se leva ; et posant le bras sur l’épaule de Nicias, il l’entraîna au fond de la salle.

— Ami, lui dit-il en souriant, si tu penses encore, à quoi penses-tu ?

— Je pense que les amours des femmes sont semblables aux jardins d’Adonis.

— Que veux-tu dire ?

— Ne sais-tu pas, Eucrite, que les femmes font chaque année de petits jardins sur leur terrasse, en plantant pour l’amant de Vénus des rameaux dans des vases d’argile ? Ces rameaux verdoient peu de temps et se fanent.

— Ami, n’ayons donc souci ni de ces amours ni de ces jardins. C’est folie de s’attacher à ce qui passe.

— Si la beauté n’est qu’une ombre le désir n’est qu’un éclair. Quelle folie y a-t-il à désirer la beauté ? N’est-il pas raisonnable, au con-