Page:Anatole France - Thaïs.djvu/196

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aimée comme une mortelle ; et l’on eût dit des grands singes ravisseurs de femmes. Et quand, tombant des bras de ces monstres, les belles formes nues se brisèrent sur les dalles, on entendit un gémissement.

À ce moment, Thaïs parut, ses cheveux dénoués coulant à longs flots, nu-pieds et vêtue d’une tunique informe et grossière qui, pour avoir seulement touché son corps, s’imprégnait d’une volupté divine. Derrière elle, s’en venait un jardinier portant noyé, dans sa barbe flottante, un Éros d’ivoire.

Elle fit signe à l’homme de s’arrêter et s’approchant de Paphnuce, elle lui montra le petit dieu :

— Mon père, demanda-t-elle, faut-il aussi le jeter dans les flammes ? Il est d’un travail antique et merveilleux et il vaut cent fois son poids d’or. Sa perte serait irréparable, car il n’y aura plus jamais au monde un artiste capable de faire un si bel Éros. Considère aussi, mon père, que ce petit enfant est l’Amour et qu’il ne faut pas le traiter cruellement. Crois-moi : l’amour est une vertu et, si j’ai péché, ce n’est pas par lui, mon père, c’est contre lui. Jamais