Page:Anatole France - Thaïs.djvu/210

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la plus adorable des images que la nature ait jamais jetées, pour une fin inconnue, sur la face de ce monde décevant.

Tandis qu’il parlait, une sombre colère couvait dans le cœur du moine ; elle éclata en imprécations.

— Va-t’en, maudit ! Je te méprise et te hais ! Va-t’en, fils de l’enfer, mille fois plus méchant que ces pauvres égarés qui, tout à l’heure, me jetaient des pierres avec des injures. Ils ne savaient pas ce qu’ils faisaient et la grâce de Dieu, que j’implore pour eux, peut un jour descendre dans leurs cœurs. Mais toi, détestable Nicias, tu n’es que venin perfide et poison acerbe. Le souffle de ta bouche exhale le désespoir et la mort. Un seul de tes sourires contient plus de blasphèmes qu’il n’en sort en tout un siècle des lèvres fumantes de Satan. Arrière, réprouvé !

Nicias le regardait avec tendresse.

— Adieu, mon frère, lui dit-il, et puisses-tu conserver jusqu’à l’évanouissement final les trésors de ta foi, de ta haine et de ton amour ! Adieu ! Thaïs : en vain tu m’oublieras, puisque je garde ton souvenir.