Page:Anatole France - Thaïs.djvu/65

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Frappe, mon Dieu, s’écria-t-il, frappe ! c’est Nicias ! Qu’il pleure ! qu’il gémisse ! qu’il grince des dents !… Il a péché avec Thaïs !…

Et Paphnuce se réveilla dans les bras d’un marin robuste comme Hercule qui le tirait sur le sable en criant :

— Paix ! paix ! l’ami. Par Protée, vieux pasteur de phoques ! tu dors avec agitation. Si je ne t’avais retenu, tu tombais dans l’Eunostos. Aussi vrai que ma mère vendait des poissons salés, je t’ai sauvé la vie.

— J’en remercie Dieu, répondit Paphnuce.

Et, s’étant mis debout, il marcha droit devant lui, méditant sur la vision qui avait traversé son sommeil.

— Cette vision, se dit-il, est manifestement mauvaise ; elle offense la bonté divine, en représentant l’enfer comme dénué de réalité. Sans doute elle vient du diable.

Il raisonnait ainsi parce qu’il savait discerner les songes que Dieu envoie de ceux qui sont produits par les mauvais anges. Un tel discernement est utile au solitaire qui vit sans cesse entouré d’apparitions ; car en fuyant les hommes, on est sûr de rencontrer les esprits.