Page:Anatole France - Vie de Jeanne d’Arc, 1908, tome 1.djvu/15

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un esprit extrêmement faible et futile ; il semble croire que l’épée de sainte Catherine était fée et qu’en la rompant Jeanne perdit tout son pouvoir[1] ; il recueille les fables les plus puériles. Cependant le fait n’est pas sans intérêt que le chroniqueur en titre des rois de France, écrivant vers 1450, attribue à la Pucelle une grande part dans la délivrance d’Orléans, la conquête des places sur la Loire et la victoire de Patay, rapporte que le roi forma l’armée de Gien « par l’admonestement de ladite Pucelle[2] », et dise expressément que Jeanne fut « cause » du couronnemént et du sacre[3]. C’était là sûrement l’opinion professée à la cour de Charles VII, et il ne reste plus qu’à savoir si elle était sincère et fondée en raison, ou si le roi de France ne jugeait pas avantageux de devoir son royaume à la Pucelle, hérétique au regard des chefs de l’Église universelle, mais de bonne mémoire pour le menu peuple de France, plutôt qu’aux princes du sang et aux chefs de guerre, dont il ne se souciait pas de vanter les services après la révolte de 1440, cette praguerie, où l’on avait vu le duc de Bourbon, le comte de Vendôme, le duc d’Alençon, que la Pucelle appelait son beau duc, et jusqu’au prudent comte de Dunois, s’unir aux routiers pour faire la

  1. Jean Chartier, Chronique de Charles VII, roi de Franoe, t. I, p. 121.
  2. Ibid., t. 1, p. 87.
  3. Ibid., t. I, p. 97.