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Page:Anatole France - Vie de Jeanne d’Arc, 1908, tome 1.djvu/78

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des âges modernes. Et l’on m’opposerait en vain que ce sont là les illusions du rêve et du désir : c’est le désir qui crée la vie et l’avenir prend soin de réaliser les rêves des philosophes. Mais que nous soyons assurés dès à présent d’une paix que rien ne troublera, il faudrait être insensé pour le prétendre. Les terribles rivalités industrielles et commerciales qui grandissent autour de nous font pressentir au contraire, de futurs conflits et rien ne nous assure que la France ne se verra pas un jour enveloppée dans une conflagration européenne ou mondiale. Et l’obligation où elle se trouve de pourvoir à sa défense n’accroît pas peu les difficultés que lui cause un ordre social profondément troublé par la concurrence de la production et l’antagonisme des classes.

  Un empire absolu se fait des défenseurs par la crainte ; une démocratie ne s’en assure qu’à force de bienfaits. On trouve la peur ou l’intérêt à la racine de tous les dévouements. Pour que, au jour du péril, le prolétaire français défende héroïquement la République, il faut qu’il s’y trouve heureux ou espère le devenir. Et que sert de se flatter ? Aujourd’hui le sort de l’ouvrier n’est pas meilleur en France qu’en Allemagne, et il est moins bon qu’en Angleterre et en Amérique.

  Je n’ai pu me défendre d’exprimer sur ces importants sujets la vérité telle qu’elle m’apparaît ; c’est une