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VIE DE JEANNE D’ARC

Cette vallée s’étend, toute unie, large d’une lieue à une lieue et demie, entre des collines arrondies et basses, couronnées de chênes, d’érables et de bouleaux. Bien que fleurie au printemps, elle est d’un aspect austère et grave et prend parfois un caractère de tristesse. L’herbe la revêt avec une monotonie égale à celle des eaux dormantes. On y sent, même dans les beaux jours, la menace d’un climat rude et froid. Le ciel y semble plus doux que la terre. Il l’enveloppe de son sourire humide ; il est le mouvement, la grâce et la volupté de ce paysage tranquille et chaste. Puis, quand vient l’hiver, il se mêle à la terre dans une apparence de chaos. Les brouillards y deviennent épais et tenaces. Aux vapeurs blanches et légères qui flottaient, par les matins tièdes, sur le fond de la vallée, succèdent des nuages opaques et de sombres montagnes mouvantes, qu’un soleil rouge et froid dissipe lentement. Et, le long des sentiers du haut pays, le passant matinal a cru, comme les mystiques dans leurs ravissements, marcher sur les nuées.

C’est ainsi qu’après avoir laissé à sa gauche le plateau boisé du haut duquel le château de Bourlémont domine le val de la Saônelle et à sa droite Coussey avec sa vieille église, la rivière flexible passe entre le Bois Chesnu au couchant et la cote de Julien au levant, rencontre, sur sa rive occidentale, les villages de Domremy et de Greux, qui se touchent, sépare Creux de Maxey-sur-Meuse, atteint, entre autres