Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 1, Hachette, 1890.djvu/23

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ses côtes le grand fleuve d’eau chaude que le Nouveau Monde envoie à l’Ancien[1]. Au lieu du gulf-stream ou des déserts de l’Afrique, ce sont les glaces du pôle, c’est la Sibérie, la région boréale de l’Asie, qui tiennent la Russie sous leur dépendance. Contre ce voisinage, l’Oural n’est qu’une barrière apparente, tant par son peu d’élévation que par sa direction presque perpendiculaire à l’équateur. En vain, la Russie s’étend-elle vers le sud à la latitude de Pau ou de Nice, il lui faut descendre jusqu’au-dessous du Caucase pour trouver un rempart contre les vents du nord. La conformation du sol plat, déprimé, la laisse ouverte à tous les courants de l’atmosphère, au souffle desséchant des déserts du centre de l’Asie, comme aux vents du cercle polaire.

Cette absence de montagnes et, par suite, de vallées est un autre des grands traits qui distinguent nettement la nature russe de la nature européenne. La Russie diffère autant de l’Occident par le relief de la terre que par la configuration des contours et par le climat. L’Asie, l’Afrique, l’Amérique, l’Australie, offrent seules de ces énormes surfaces uniformes. Cette horizontalité du sol russe n’est point seulement superficielle, c’est un trait essentiel de la géologie, comme de la géographie du pays. L’aplatissement de l’écorce n’est que le résultat du parallélisme régulier des couches souterraines. Au lieu d’affleurer fréquemment à la surface, comme en Occident, et d’offrir une riche variété d’aspects, de sols, de cultures, les différents étages géologiques demeurent superposés horizontalement, ne présentant, sur d’immenses espaces, que les mêmes terrains propres aux mêmes cultures. Les formations géologiques ont une étendue, les stratifications, une régularité, les roches, une identité de composition, comme

  1. Les expériences, faites à l’aide de flotteurs, par M. Pouchet, à bord du yacht du prince de Monaco, tendent à montrer que le courant atlantique qui réchauffe l’Europe ne provient pas du golfe du Mexique. Dans ce cas, il n’y aurait qu’à substituer ici, au nom de gulf-stream, celui de « courant européen ».