Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 1, Hachette, 1890.djvu/22

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et au-dessous de cette chaîne, qui ne sépare rien, une large porte que rien ne ferme. Ainsi soudée à l’Asie, la Russie en a gardé la configuration.

Deux grands traits distinguent l’Europe entre toutes les régions du globe et en ont fait la patrie naturelle de la civilisation : c’est d’abord sa structure découpée par les mers, taillée en petits morceaux, selon l’expression de Montesquieu, péninsulaire, articulée, selon le mot de Humboldt ; c’est ensuite un climat tempéré, comme nulle part ailleurs sous la même latitude, — climat qui est en grande partie le résultat de cette configuration. Tout autre est la structure de la Russie. Adhérente au massif de l’Asie sur sa plus grande dimension, bornée au nord et au nord-ouest par des mers dont les glaces laissent à ses rivages peu des avantages d’un littoral, la Russie est une des contrées du globe les plus compactes, les plus éminemment continentales.

Avec la structure morcelée, articulée, de l’Europe, le climat européen, le climat maritime et tempéré fait défaut à la terre russe. Elle a un climat continental, c’est-à-dire presque également extrême dans les rigueurs de l’hiver et les ardeurs de l’été. Aussi les températures moyennes y sont-elles trompeuses. Les lignes isothermes s’y redressent en été vers le pôle, s’y creusent en hiver vers le sud, en sorte que la plus grande partie de la Russie est comprise, en janvier, dans la région froide, en juillet, dans la région chaude. Le seul élargissemept des terres la condamne à des saisons excessives. Les mers qui la baignent sont trop loin ou trop petites pour lui pouvoir, comme à nous, servir tour à tour de réservoirs de chaleur ou de bassins de fraîcheur. Nulle part en Occident il n’y a, sur la même latitude, d’hiver aussi dur ou aussi long, d’été aussi brûlant. La Russie demeure étrangère aux grandes influences qui réchauffent le reste de l’Europe, aux courants de l’Océan comme aux vents du Sahara. La longue presqu’île Scandinave, qui s’avance entre elle et l’Atlantique, détourne de