Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 1, Hachette, 1890.djvu/74

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rapidement unifiées et fondues les unes dans les autres. De cette fusion, commencée depuis des siècles, sous l’empire du christianisme et de la souveraineté moscovite, est sorti le peuple russe, cette masse de 65 ou 70 millions d’hommes, qui vis-à-vis des autres populations forme comme une mer en train de ronger ses côtes, une mer semée d’îlots qui s’éboulent peu à peu dans son sein.

Ce peuple qui se donne le nom de russe, quelle en est la filiation ? Occupant le centre de l’empire entre les races diverses qu’il a repoussées aux extrémités, il contient encore de nombreuses enclaves finnoises et tatares, témoins persistants de l’étendue de l’aire anciennement occupée par des tribus analogues. Dans leurs cartes ethnographiques, les Russes représentent les diverses populations en leur distribution locale actuelle. On prend un signe extérieur, la langue, et l’on compte pour Russes et Slaves tous les hommes qui parlent russe. Aucune méthode de dénombrement n’est plus simple, seulement il ne faut point oublier qu’une telle classification ne prouve rien quant à l’origine des peuples, et que, pour la race, la langue est de tous les signes le plus équivoque. Pour adopter l’idiome russe, les tribus finnoises ou tatares, en train de se russifier, n’infusent pas dans leurs veines un sang slave, pas plus que les Celtes des Gaules ou les Ibères d’Espagne n’ont pris un sang latin avec une langue latine. Au point de vue de la généalogie des peuples, ces cartes ethnographiques, uniquement fondées sur le langage, apportent des données et non des résultats. Pour une telle recherche, il faut réunir des éléments bien plus complexes ; avant la philologie, il faut consulter l’anthropologie, c’est-à-dire la constitution physique, les traits, le squelette même des habitants, ce qu’ils ont directement hérité de leurs plus lointains ancêtres ; et, par malheur, les types ne se laissent pas dénombrer et classer avec la même précision que les langues ou les religions.

Ce qui nous importe cependant pour déterminer la place