Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 1, Hachette, 1890.djvu/106

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dépendance des autres khanats du Turkestan leur ont enlevé leurs dernières illusions. Divisés, plus encore que les Finnois, en minces groupes épars, enclavés de tous côtés entre les Russes, les Turcs de Russie ne forment plus un peuple ; pour eux, la religion a nécessairement pris la place de la nationalité, et des émigrations répétées les délivrent des fanatiques. Partout en Europe, dans les lieux mêmes où ils ont le plus longtemps régné, les Tatars tendent à être en minorité, et cette disproportion ira en augmentant devant la colonisation de l’Est russe. Dans le gouvemement de Tauride, l’ancienne Petite-Tartarie, où ils étaient encore 300 000 lors du siège de Sébastopol, l’émigration les a réduits à moins de 100 000 Âmes ; ils n’ont gardé la majorité que dans les steppes du nord de la Crimée et dans certaines vallées des montagnes du sud. En Europe, en comptant les habitants du Caucase septentrional, la Russie n’a que 3 200 000 sujets mahométans. En laissant de côté le Caucase, dont les deux versants sont réunis dans une même circonscription politique, le nombre des Musulmans tombe à 2 500 000[1] et de ce chiffre, pour avoir les vrais Tatars, les descendants du peuple de la Horde d’Or, il faut déduire les Bachkirs et les tribus tatarisées où prédomine le sang finnois. Moins de 1 200 000 âmes forment tout le résidu de cette race turque ou tatare qui a si longtemps dominé la Russie et terrifié l’Europe. Dans l’Asie russe, ils ont pour congénères, en même temps que coreligionnaires, les Kirghiz, le plus étendu de tous les rameaux turcs, — dans le Turkestan, les Turkmènes ou Turcomans et les Uzbegs ; dans le Caucase, les Tatars sunnites ou chiites de la Koura et de l’Araxe, les Kumuks et quelques autres petites tribus ; dans la Sibérie enfin, quelques mahométans ayant plus ou moins droit au titre de Tatars avec quelques tribus aujourd’hui chrétiennes et aux trois

  1. Les statistiques comptent un peu plus d’un million du Tatars de Kazan, dont 450 000 dans le gouvernement de ce nom. Les Tatars de Crimée sont réduits, d’après M. Rillich, à 80 000.