Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 1, Hachette, 1890.djvu/112

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Pologne et de Bohême. Il n’eût point existé de Slaves, l’Europe se fût terminée aux Alpes de Carniole et au Bœhmerwald, que sa civilisation n’eût pas été moins complète, tandis qu’on ne saurait, sans la mutiler, lui enlever l’œuvre d’une des grandes nations latines ou germaniques. Relégués à l’extrémité de la chrétienté, les Slaves n’ont guère pu la servir que par leurs armes, en gardant ses frontières, de la Save et du Danube au Dniepr et au Volga, contre les incursions de l’Asie.

Est-ce le génie qui fait défaut à la race ? Non assurément. Par un fait digne de remarque, des Slaves ont ouvert la voie à l’Occident dans les deux grands mouvements qui ont inauguré l’ère moderne, dans la Renaissance et dans la Réforme, dans la découverte des lois de l’univers et dans la revendication de la liberté de la pensée humaine. Le Polonais Kopernik a été le devancier de Galilée, le Tchèque Jean Huss, le précurseur de Luther. Ce sont là des titres pour les Slaves, mais la propriété leur en est contestée par les Allemands, car le malheur a voulu que, après s’être établie dans la patrie de leurs grands hommes, une race rivale ait pu leur en disputer jusqu’au nom. En tenant compte des empiétements séculaires de l’Allemagne et du fond slave de la population de la Saxe et de la Prusse orientales, les Slaves auraient peut-être plus de droits à réclamer comme leurs beaucoup des grands noms dont se vante l’Allemagne. Au-dessous de Kopernik et de Jean Huss, les deux peuples slavons les plus unis à l’Occident par le voisinage et la religion, la Pologne et la Bohême, pourraient citer un long catalogue d’hommes distingués dans les lettres, dans les sciences, dans la politique et dans la guerre. Chez les Slaves du Sud, une petite république cjmme Raguse a pu, à elle seule, fournir toute une galerie d’hommes de talent de tout genre[1]. Là où l’éloignement de

  1. Sur ces diverses tribus slavonnes, on peut consulter avec profit le Monde slave et les Études slaves de M. Louis Léger, celui de nos compatriotes qui a