Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 1, Hachette, 1890.djvu/123

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est un phénomène qui s’est souvent reproduit dans l’histoire. Ces peuples, issus de races diverses, regagnent en vigueur ce qui leur manque en délicatesse. Ainsi, la Prusse en Allemagne, le Piémont en Italie, ont donné à nos deux voisins l’unité qu’ils n’avaient pu recevoir d’éléments nationaux moins mélangés ; déjà, dans l’antiquité, la Macédoine et Rome elle-même avaient offert des exemples analogues.

Pour être mâtinés de Finnois ou de Tatars, les Grands-Russes ne sont devenus ni Tatars ni Finnois ; pour n’être point de pure race indo-européenne, ils ne sont pas des Touraniens. La langue et l’éducation historique ne sont pas leurs seuls titres au nom de Slaves. Le Russe de la Grande-Russie n’est point seulement slavon, comme le Français et l’Espagnol sont latins, par les traditions et la civilisation, par adoption, pour ainsi dire : le Grand-Russe est slave par filiation directe, par le corps, par la race. Une part notable du sang de ses veines est slavonne et caucasique. La proportion est difficile, impossible à déterminer ; elle varie suivant les régions, elle varie suivant les classes, qui longtemps ont formé des castes plus ou moins fermées. Elle est plus grande dans les pays d’ancienne colonisation, au bord des rivières, par exemple, le long desquelles les Slaves se sont jadis avancés. Parfois, en marchant des rives d’un fleuve dans l’intérieur des terres, on peut passer d’un type presque tout slave à un type presque tout finnois, jusqu’à reconnaître de simples Finnois russifiés, qui, en perdant leur langue, ont conservé leur costume et leurs mœurs. La part du sang slave dans la masse de la nation n’en reste pas moins considérable, si ce n’est prépondérante. Toutes les raisons qui nous ont montré chez le Russe un alliage finnois nous font retrouver chez lui un fond slavon.

La Grande-Russie n’a pas été soumise par les Slaves de Novgorod et de Kief en quelques brèves expéditions militaires. Ce ne fut pas une conquête, une simple occupation à main armée, sans autre révolution qu’un changement de