Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 1, Hachette, 1890.djvu/125

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N’est-il pas probable qu’en Russie le sang slave, c’est-à-dire le sang indo-européen, a eu, sur le sang touranien, les mêmes avantages que dans le reste de l’Europe ? Quoique, malheureusement, on n’ait à ce sujet aucune donnée statistique, certains observateurs assurent que, aujourd’hui même, les populations finnoises tendent à diminuer, partout où elles se trouvent en contact direct avec la population russe, et cela indépendamment des mariages, qui d’habitude sont rares entre Finnois et Russes, indépendamment de tout mélange, par le seul fait du voisinage. Les lois mystérieuses du struggle for life n’ont-elles pas pu agir d’une manière plus sensible, lorsque, au lieu de se trouver en face de Russes déjà croisés avec eux, les Finnois se trouvaient vis-à-vis de Slaves d’un sang plus pur ?

En dehors de toutes conjectures sur les conditions du mélange des deux races et sur les résultats de la concurrence vitale entre elles, les traits du peuple russe témoignent déjà de sa filiation slave. L’œil, qui dans le visage du paysan grand-russien reconnaît clairement une empreinte finnoise ou tatare, perçoit aussi nettement que le tout n’est ni tatar ni finnois ; la preuve en est qu’en général le Grand-Russe se distingue à première vue du Finnois, comme du Tatar.

Les traditions du Grand-Russe témoignent également de ses droits au nom de Slave. Ce n’est pas, en effet, uniquement par la langue qu’il se rattache à la famille slavonne et, par celle-ci, aux autres nations de l’Europe : c’est par les contes et les chants populaires, par les débris de sa mythologie et les superstitions encore vivantes ; or, pour la généalogie des peuples, ce sont là des documents qu’on ne saurait plus dédaigner. Chose remarquable, c’est dans le nord de l’empire, dans des régions incontestablement finnoises, aux bords du lac Onega, par exemple, que les savants contemporains ont recueilli le plus grand nombre de contes et de chants, de skazkas et de bylinas, comme si, en s’enfonçant dans les forêts du nord, le Slave