Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 1, Hachette, 1890.djvu/149

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à l’invasion et au démembrement. Pour qui veut y réfléchir, c’est là une des causes de nos récents désastres[1]. Si nous avions su ce que, sous une apparence d’inconstance et de frivolité, il y avait de réflexion, de patience et de maturité, chez le peuple italien, trop souvent taxé de Jégèreté, nous ne lui aurions pas prêté notre appui pour faire mine de le lui retirer, et tout le monde en France aurait pris à tâche de nous gagner l’amitié d’un pays qui nous est rattaché par tant de liens de parenté. Si nous avions su ce qu’il y avait d’âpre et de dur, mais en même temps de solide et de résolu, ce qu’il y avait de convoitises cachées, mais aussi d’esprit pratique, d’esprit d’ordre et de discipline dans ce peuple allemand, trop longtemps raillé pour son idéalisme et son incohérence, nous ne nous serions pas laissé jeter en travers de ses aspirations unitaires et exposer à de terribles rancunes.

Le caractère d’un peuple, comme celui d’un homme, dépend du tempérament ou du sang, du milieu physique et de l’éducation morale, sans compter ce qui chez l’individu tient à l’âge, chez le peuple à l’état de civilisation. Entre ces trois ordres d’influences, la race, la nature, l’histoire, on a, dans l’étude des nations, donné la primauté tantôt à l’une, tantôt à l’autre. Toutes trois ont leur importance ; mais, les peuples étant d’un sang plus mêlé encore que les individus, tout ce qui tient à la race et à l’hérédité est plus difficile à déterminer, partant plus obscur, plus équivoque. En Russie même on a souvent discuté si le caractère du Grand-Russien, ce qui le distingue des tribus russes occidentales, doit être attribué à son mélange avec les Finnois et les Tatars ou bien à son établissement sur une terre nouvelle. Les deux causes ont dû s’exercer concurremment ; mais la dernière, étant la plus persistante, a dû être la plus puissante. Deux raisons lui donnaient chez

  1. Voyez notre étude sur la politique de Napoléon III et sur celle du Victor-Emmanuel, dans le livre intitulé : Un empereur, un roi, un pape. (Paris, Charpentier.)