Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 1, Hachette, 1890.djvu/361

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de nom ou de tradition en ont bien plus besoin, aujourd’hui que l’induslrie, la banque, le commerce sont devenus presque les uniques facteurs de la richesse, qu’entre l’opulence des nouvelles familles et les besoins des anciennes il n’y a d’autre passage et, pour ainsi dire, d’autre pont que le droit de succession des filles. Avec le régime opposé toute la richesse et l’influence risquent de passer à une bourgeoisie de parvenus.

Le partage exclusif entre les mâles a en outre, au point de vue conservateur, un inconvénient spécial, fort sensible en Russie : il dérange l’équilibre des fortunes et la position relative des familles plus rapidement, plus fortuitement que le partage entre tous les enfants. Deux pères, possédant le même avoir et ayant le même nombre d’enfants, laissent leurs descendants mâles dans une situation fort inégale, selon que, parmi leurs héritiers, prédomine le sexe privilégié ou le sexe exclu du partage. En résumé, la coutume russe ne semble pas plus propice au maintien des influences aristocratiques que notre coutume française, en apparence plus démocratique. Avec la faveur que rencontre en Russie la cause de l’indépendance des femmes, il se pourrait du reste que, dans un temps plus ou moins éloigné, la législation ou les mœurs renonçassent à priver de l’héritage paternel les enfants qui sont naturellement les moins capables de faire fortune, et que dans le Nord comme en France triomphât l’égalité des sexes.

Du jour où il s’est rapproché des noblesses occidentales, le dvorianstvo russe a compris qu’avec le droit national et le partage égal des biens, il ne pouvait y avoir de véritable aristocratie. Aussi certains des héritiers des kniazes et des boyars ont-ils tenté d’implanter dans leur patrie la coutume étrangère des majorats. Chose singulière, c’est un des princes les moins enclins aux penchants aristocratiques, c’est Pierre le Grand qui le premier introduisit les majorats dans la législation russe. Était-ce simplement pour imiter l’Occident et mieux assimiler la Moscovie à