Sur la noblesse russe, le règne plus que séculaire du tableau des rangs a mis une empreinte que l’abolition même de la hiérarchie officielle ne saurait effacer. À cet égard les effets du tchine frappent tellement les yeux qu’il serait oiseux de les indiquer : les conséquences indirectes sont les seules qu’il puisse être utile de signaler. Le tableau des rangs n’a pas eu pour unique résultat de maintenir toute la noblesse dans une étroite dépendance, il l’a éloignée des autres classes de la nation, l’a surtout éloignée de la terre, base naturelle de toute influence durable. Le service de l’État chassait la noblesse hors des campagnes pour la jeter dans l’armée ou l’administration, il la poussait dans les villes et en retenait la meilleure partie dans les capitales, là où s’acquérait le rang et l’importance. Le riche propriétaire, obligé d’aller conquérir un tchine, abandonnait son bien à des intendants qui souvent le ruinaient par leur mauvaise gestion ou leur mauvaise foi. L’institution, qui enchaînait le dvorianstvo au service, le détachait ainsi du sol et du foyer, et contribuait pour une bonne part à son isolement. Le tableau des rangs privait lui-même de toute influence sociale la noblesse qui lui