Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 1, Hachette, 1890.djvu/40

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

non seulement on s’aperçoit que cette fécondité a besoin d’être entretenue, mais, en plusieurs provinces, on se plaint déjà de l’épuisement du tchernoziom, et les agronomes prédisent que, si l’on ne change de méthode de culture, on finira par ruiner le sol le plus riche du monde. La fertilité a fait de cette zone la partie la plus peuplée de la Russie. La Terre noire compte déjà, en moyenne, 39 ou 40 habitants par kilomètre carré, et dans certaines parties de l’Ouest, au delà de 50. Sa population va croissant avec les débouchés que lui ouvrent les chemins de fer et avec les conquêtes de l’agriculture sur les steppes voisines. Grâce au tchernoziom, on peut dire que le centre de gravité de l’empire tend de plus en plus à se déplacer du Nord vers le Sud.


Entre le tchernoziom et les mers du Midi viennent les steppes proprement dits, car les champs de la Terre noire sont souvent désignés de ce nom, qu’on finit ainsi par appliquer à toute plaine dénuée d’arbres. C’est dans les steppes que l’aplatissement du sol, l’absence de toute végétation arborescente et la sécheresse de l’été atteignent leur maximum. Inclinés vers la mer Noire, la mer d’Azof et la Caspienne, ils occupent les bassins inférieurs du Dniepr et du Don, du Volga et de l’Oural. Encore abandonné à lui-même ou à demi sauvage, peu ou point cultivé, le steppe est une plaine déserte sans arbres, sans ombre, sans eau. Sur des surfaces à perte de vue, on chercherait souvent en vain, pendant des journées entières, un arbuste, une maison ; mais, pour être dégarni de forêts, le steppe n’est point toujours le désert stérile que l’Occident s’est figuré sous ce nom. Dans ces vastes espaces, qui occupent encore, en Europe, de 900 000 à 1 million de kilomètres carrés, se confondent, sous la même désignation, des terrains de qualité fort différente, et qui, avec une certaine analogie d’aspect extérieur, sont appelés, par leur fonds même, à des destinées fort diverses. Le steppe se divise