Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 1, Hachette, 1890.djvu/425

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menaient à deux types principaux, naguère encore temporairement en usage, la corvée ou barchtchina (boïarchtchina, le travail dû au boyar ou seigneur) et la redevance en argent ou obrok.

La corvée, le labeur personnel du serf au profit du maître, était la forme primitive, rudimentaire. Les paysans travaillaient trois jours pour le propriétaire, l’autre moitié de la semaine ils cultivaient les terres que le seigneur leur abandonnait pour leur entretien[1]. Comparé à la corvée, l’obrok ou redevance annuelle en argent constituait un véritable perfectionnement ou adoucissement du servage. Ce système était surtout en usage dans le voisinage des centres de production ou dans les contrées peu fertiles. Par l’obrok, le paysan rachetait temporairement l’usage de sa liberté, quittant la terre seigneuriale pour exercer tel ou tel métier à la campagne ou dans les villes. Grâce à l’obrok, beaucoup de serfs avaient cessé toute vie rurale ; mais il suffisait d’un ordre de leur maître pour les rappeler à la charrue. Au moyen de ces redevances en argent, le but primitif du servage, qui devait fixer l’homme au sol, était tourné ; le serf à l’obrok redevenait maître de lui-même ; extérieurement il était libre, mais un lien invisible Tenchaînait à son seigneur. Le taux de la redevance annuelle variait considérablement suivant les régions, les exigences du maître, les aptitudes des serfs. En général, l’obrok oscillait entre 25 et 50 francs par an. On voit que, sous ce régime, on n’était vraiment riche qu’en possédant des villages ou plutôt des cantons entiers. La pauvreté des petits propriétaires les contraignait à tirer de leurs serfs tout ce qu’ils en pouvaient arracher. Le paysan des grands

    chtchitchik krestsan v Rossii. Le lecteur français peut consuller avec fruit les Voyages de M. X. Marinier ou les Lettres sur la Russie de M. de Molinari et, pour plus de détails, les grands ouvrages de Haxlhausen et de Schnitzler.

  1. Une loi de 1797, rendue par Paul Ier, avait fixé la corvée à trois jours. Dans beaucoup de communes ou de familles, une moitié des serfs corvéables, hommes ou femmes, travaillaient toute la semaine pour le maître, tandis que les autres travaillaient pour le compte de leur ménage.