En le dotant de terres, l’acte d’émancipation a laissé le moujik dans des conditions économiques, analogues à celles où il vivait du temps du servage. Le sol, dont son seigneur lui concédait jadis la jouissance, le paysan en est aujourd’hui propriétaire, mais le mode de propriété est demeuré le même que l’ancien mode de jouissance. Après comme avant l’émancipation, les terres des paysans sont par eux possédées en commun, et non à titre personnel, individuel, héréditaire. Au lieu d’avoir été répartis entre les divers habitants d’un village, les lots, obtenus par le rachat, restent le plus souvent la propriété collective, indivise de tous les membres de la commune. Le paysan, décoré par la loi du nom de propriétaire, ne possède d’ordinaire d’une manière fixe et permanente que sa cabane, son isba, et le petit enclos y attenant (ousadba) ; pour le reste, il n’est en réalité que l’usufruitier du lot par lui racheté.
Tel était, de temps immémorial, le mode de tenure du sol en usage chez les paysans de la Moscovie ou Grande-