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CHAPITRE III


Homogénéité de la terre russe. Ces vastes plaines étaient destinées à l’unité politique. — Inégale densité de la population. Comment elle a longtemps été distribuée d’une manière tout artificielle. — Importance relative des diverses régions, les parties vitales et les parties accessoires. — La Russie un pays de colonisation. Contradictions de sa double tâche.


La diversité des régions physiques du sol russe ne doit point nous en dissimuler l’homogénéité. L’unité de la Russie est si naturelle qu’à moins d’être une île ou une presqu’île, aucun pays du globe n’a été plus clairement marqué pour être la demeure d’un peuple. À travers toutes leurs différences, toutes leurs oppositions physiques et économiques, les deux grandes zones du nord et du sud sont attachées l’une à l’autre comme deux moitiés qui se complètent et qu’on ne saurait isoler. Pour premier lien elles ont le soi, la plaine, qui entre elles ne laisse aucune barrière, aucune frontière possible ; pour second lien elles ont le climat, l’hiver, qui presque chaque année les confond pendant de longues semaines sous le même manteau de neige. Au mois de janvier, on peut aller en traîneau d’Arkhangel ou de Pétersbourg à Astrakan. L’absence de neige est pour le sud de la Russie une calamité presque aussi grande, presque aussi rare que pour le nord. Dans les steppes du midi comme dans les forêts voisines du cercle polaire, les fleuves demeurent plusieurs mois enchaînés par la glace. La mer d’Azof gèle comme la mer Blanche, la moitié septentrionale de la Caspienne, comme le golfe de Finlande. La mer Noire est la seule des mers russes dont la glace ne ferme les ports que dans