Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 1, Hachette, 1890.djvu/520

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d’instruments de culture. Les dépositions de la grande enquête agricole sont à peu près unanimes pour déplorer ce penchant des paysans à l’isolement[1]. Aussi a-t-on songé à porter remède à ces inconvénients en apportant des restrictions légales aux partages. La commission d’enquête demandait que les biens de la famille, et surtout son matériel agricole, ne fussent partagés avec les membres sortants que dans des conditions déterminées par la loi. Le ministère que regardent plus spécialement les affaires des paysans, le ministère des domaines, s’est plus d’une fois occupé de cette question. On a proposé, par exemple, de ne permettre les partages que s’il n’y avait point d’arriéré d’impôts, et si la séparation laissait à chaque lot de terre une étendue suffisante pour l’exploitation. On a parlé de remettre aux parents ou au chef de famille le droit d’autoriser ou de refuser la division, au lieu de s’en rapporter comme aujourd’hui aux coutumes locales. Quel que soit l’intérêt de l’agriculture et du paysan lui-même, il est difficile d’user de telles restrictions sans attenter à la liberté rendue par l’émancipation au paysan, sans remettre l’individu sous le joug de la famille, de la commune ou de l’administration centrale[2].

  1. Cette commission, réunie sur la proposition et sous la présidence du ministre des domaines, M. Valouief, était composée de hauts employés des ministères de l’intérieur, des domaines et des finances. Le principal objet de ses observations, dirigées à l’aide d’un vaste questionnaire, a été l’étude des effets de la propriété collective. La commission a reçu et publié environ un millier de rapports ou dépositions écrites, elle a entendu de vive voix plus de deux cents personnes, pour la plupart gouverneurs de province, maréchaux de la noblesse, membres des assemblées provinciales, etc. Par malheur, au milieu de tous ces déposants, il y a fort peu de paysans ou de fonctionnaires ruraux, fort peu d’hommes participant directement à la propriété commune, ainsi soumise à l’enquête. En dépit de la haute intelligence et de l’impartialité voulue des rapporteurs, cette absence des représentants naturels des communautés rurales affaiblit en partie les conclusions de la commission.
  2. D’après la loi de 1886, les partages ne peuvent plus avoir lieu que du consentement du chef de famille, et ils doivent être approuvés par les deux tiers des voix des assemblées communales. En outre, la réforme administrative de 1889 les a placés sous le contrôle des chefs ruraux, fonctionnaires choisis parmi la noblesse territoriale.