Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 1, Hachette, 1890.djvu/530

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il est vrai, un espace de près de 9 millions d’hectares était la possession collective des Cosaques de l’Oural. Sur tout le cours du grande fleuve, dont on fait la limite conventionnelle de l’Europe et de l’Asie, il n’y avait encore, au milieu du siècle, pas un lot de terre appartenant en propre à un particulier, pas un lot même appartenant à une ville ou à une stanitsa (village et centre administratif et militaire des Cosaques). La jouissance ainsi que la propriété était commune. Au jour fixé par l’ataman[1], au signal donné par les officiers de chaque stanitsa, commençait la fenaison des prairies du bord des rivières. Tous les hommes, jouissant du titre de Cosaque, se mettaient simultanément à l’œuvre ; chacun traçait avec la faux, dans les hautes herbes, les limites du lot qui lui devait revenir. Tout ce qui, dans la première journée, avait été ainsi enclos par un Cosaque lui appartenait de droit, il pouvait ensuite le faucher à son aise avec sa famille. Dans cette vaste communauté, la terre comme l’eau, les champs ou les prairies comme les pêcheries de la mer ou des fleuves, étaient la propriété de tous et étaient exploités de la même manière, tous se mettant à l’ouvrage au même moment, sur un ordre et sous la surveillance des chefs, mais chacun travaillant pour soi, car cette commune propriété et cette commune jouissance restaient étrangères au système d’égale rémunération, prêché par certains socialistes. Malgré cette importante restriction au principe communiste, un pareil régime, dès que les habitants sont assez nombreux pour se disputer les produits du sol, laisse peu de liberté à l’activité individuelle ; il mène à la démocratie autoritaire ou à la réglementation bureaucratique. S’il a pu durer jusqu’à nos jours, aux bords de l’Oural, c’est grâce à l’organisation militaire des Cosaques.

Dans les steppes du sud comme dans les forêts du nord,

  1. Ce nom d’ataman, dont nous avons fait hetman et qu’on fait dériver de l’allemand Hauptmann, est encore aujourd’hui le titre des commandants des diverses armées (voïtka) cosaques.