Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 1, Hachette, 1890.djvu/545

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catégorie sans qu’on ait soin de joindre ensemble les parcelles attribuées au même ménage. Chaque lot (nadêl) se compose ainsi le plus souvent de morceaux de terre, séparés les uns des autres et enclavés dans les lots d’autrui. La part d’une âme ou d’un tiaglo peut être faite de parcelles dispersées en six, sept, huit, neuf, dix endroits éloignés, et parfois plus. Pour se rendre compte de la petitesse, de l’exiguïté des parcelles ainsi obtenues, il suffit de se rappeler que l’étendue moyenne des terres, allouées aux anciens serfs lors de l’émancipation, est de 3 A 4 hectares par mâle, et que souvent, les paysans n’ayant racheté que le minimum légal, la part de chacun est notablement inférieure. Dans les communes bien peuplées et mal pourvues de terre, ce parcellement du domaine communal aboutit à un fractionnement sans fin, à un véritable émiettement du sol. L’enquête agricole cite des parcelles, dans le gouvernement de Koursk entre autres, qui n’ont que 5 mètres de largeur. Sous le régime de la propriété individuelle, il est rare que les partages de succession aboutissent à un plus grand morcellement. Le système d’allotissement, aujourd’hui en vigueur, ajoute ainsi les défauts de l’individualisme, qui morcelle la terre à l’excès, aux défauts du communisme, qui diminue l’attachement au sol et l’énergie au travail[1].

Les inconvénients du parcellement communal sont nombreux. C’est d’abord que les morceaux de terre épars, qui forment un lot, ne constituent point un ensemble se prêtant à une culture rationnelle. C’est ensuite que le paysan, obligé de faire valoir à la fois de minces lopins de

  1. Les difficultés et les défauts de l’allottissement communal sont parfois atténués par la division des terres entre des groupes et sous-groupes qui subdivisent ensuite leurs lots entre leurs membres. Les champs, et avec eux les impôts, sont par exemple répartis d’abord par centaines, puis par dizaines, ou encore par cinquièmes, par quarts, par tiers, sans que ces diverses dénominations, qui varient de contrée à contrée, répondent toujours à leur sens étymologique. Ces partages préliminaires, par fractions de villages, ont surtout lieu dans les grandes communautés où la répartition directe, par âme ou par ménage, serait trop compliquée.