Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 1, Hachette, 1890.djvu/549

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mobile des paysans est tout autre, il est, conformément à leur caractère, plus réaliste, plus pratique.

La communauté des terres, nous l’avons dit, est en corrélation intime avec la solidarité devant le fisc. Depuis des siècles, les deux choses sont si intimement liées qu’une certaine école a pu regarder la propriété collective comme une simple conséquence de cette solidarité des charges. Or, dans un pays où les taxes de toute sorte ont toujours été fort lourdes, où longtemps la possession du sol aurait pu être considérée moins comme un droit que comme une obligation, où même aujourd’hui le montant des impôts et redevances dépasse souvent le revenu normal de la terre, il est naturel que, dans la répartition du domaine communal, les paysans aient en vue avant tout le payement des taxes. Depuis l’émancipation, comme au temps du servage, cette question domine toute la vie du mir ; en distribuant le champs communaux, il se préoccupe moins du droit de l’individu à la terre que de ses facultés contributives. Chaque lot correspond le plus souvent à une part proportionnelle de l’impôt solidaire, et la quantité de terre, affectée à chaque ménage, est en raison des charges qu’il peut acquitter. La répartition du domaine commun n’est qu’une suite de la répartition des taxes communes.

La dotation des familles varie avec l’âge et la force, aussi bien qu’avec le nombre de leurs membres ; elle varie avec leurs ressources agricoles. Les plus robustes et les plus aisés reçoivent une plus grande portion de terre, de même qu’ils supportent une plus lourde portion des taxes. Les communes, où le revenu du sol dépasse régulièrement les impôts annuels, sont les seules qui n’aient pas besoin de se préoccuper de telles considérations, les seules qui puissent diviser simplement leurs champs par tête ou par ménage.

Faut-il faire ressortir toutes les complications et les difficultés d’un tel système de partage ? Les pratiques, en usage dans le mir à cet égard, ne peuvent guère être comprises qu’à l’aide d’un exemple ou d’une sorte de diagramme.