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Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 1, Hachette, 1890.djvu/552

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cher au reste. Au village d’Arachine, la répartition, ainsi modifiée incessamment, n’a rien de fixe, elle reste mobile, variant continuellement selon les moyens des familles, l’âge ou la santé de leurs membres. À cet égard, les précautions intéressées ou la sollicitude paternelle du mir d’Arachine vont fort loin ; il examine tous les côtés de la vie domestique, il tient compte des différences individuelles. C’est ainsi qu’une famille Maximof, qui, d’après les listes de recensement, eût dû recevoir quatre lots et payer pour quatre âmes, n’avait que deux lots et demi et était taxée en proportion, parce que l’un de ses membres avait les yeux, et un autre, la gorge malades.

L’âge et la force physique ne sont pas les seules bases d’appréciation du mir, dans cette distribution des terres et des charges ; il a égard, en même temps, aux ressources, aux moyens d’exploitation de chaque maison ou cour (dvor), à ce que les économistes appellent le capital. Ainsi, le mir d’Arachine groupe les familles en quatre catégories. La première comprend celles qui, par leur défaut de travailleurs adultes ou leur manque d’instruments agricoles, sont incapables de cultiver avec profit et de supporter la moindre part des charges communales. Sur 87 familles, Arachine en comptait trois dans cette situation ; elles étaient exclues de tout partage et affranchies de tout impôt ; en style russe, elles n’avaient pas d’âmes. Après ces familles sans âmes (bezdouchnye), viennent, dans la classification d’Arachine, les familles faibles ou peu capables (malomochtchnye), celles qui possèdent un travailleur valide, mais sont dépourvues de l’indispensable auxiliaire du laboureur, le cheval. On en comptait une dizaine ; elles ne recevaient chacune qu’un lot et n’étaient taxées qu’à une âme. À la troisième catégorie, de beaucoup la plus nombreuse (45 sur 87), appartiennent les ménages qui n’ont qu’un travailleur unique avec un ou deux chevaux ; ils payaient chacun pour deux âmes et possédaient deux lots. Enfin, venaient, au nombre de trente, les familles les plus nombreuses ou