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gleterre, où elles jouissent d’une si large autonomie, les communes ne peuvent non plus aliéner leurs terres sans l’approbation du gouvernement[1]. Si l’on introduisait en France le régime actuellement en vigueur en Russie, si, pour se distribuer entre eux le domaine communal, il suffisait du vote des deux tiers des habitants, nos biens communaux auraient vite disparu pour arrondir les champs des uns et alimenter les dépenses des autres. Comment en Russie une législation, qui étaye aussi peu la propriété commune, ne l’a-t-elle pas encore laissée s’écrouler et se réduire en champs individuels ?

Jusqu’ici la propriété collective a, d’ordinaire, gardé la majorité légale dans les assemblées de paysans ; elle n’y a point toujours et partout réussi. Longtemps on a dit qu’il y avait des exemples de terres, partagées jadis entre les anciens serfs par leurs seigneurs et depuis remises en commun par les paysans émancipés, tandis qu’on ne connaissait aucun exemple d’une commune rurale ayant librement abandonné la tenure collective du sol. C’est là une erreur. Les partages définitifs sont rares, exceptionnels, il y en a cependant ; l’enquête agricole en mentionne dans plusieurs gouvernements de la Grande-Russie. Dans quelques districts même, les cas de division sont relativement nombreux[2], et l’on a pu voir là, chez les paysans,

  1. Sur la législation française et anglaise, à cet égard, voyez l’ouvrage de M. Paul Leroy-Beaulieu, De l’Administration locale en France et en Anglerre, p. 284-287.
  2. Ainsi, dans un district du gouvernement de Nijni-Novgorod, quarante-neuf villages sur cent quatre-vingt-dix, dans un district de Mohilef, vingt-cinq villages sur trois cent quarante-quatre, avaient, dès 1873, renoncé au régime de la communauté. C’étaient du reste là deux cas exceptionnels. En beaucoup de districts, en beaucoup de gouvernements même, on ne comptait alors qu’un ou deux partages définitifs sur des centaines on des milliers de villages (à Koursk, par exemple, 2 sur 3591). Il est à remarquer que ces décisions, parfois suggérées par un fonctionnaire ou un propriétaire étranger au mir, ne sont pas toujours mises à exécution. Dans le gouvernement de Symbirsk, on cite ainsi des communes qui n’ont pris une telle résolution que pour permettre à quelques riches paysans de racheter individuellement leurs lots, conformément à l’article 165 du règlement sur le rachat ; le reste