Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 1, Hachette, 1890.djvu/604

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Loin de la réduire à un rôle aussi humble, les progrès de la richesse et de la population pourraient un jour étrangement transformer les destinées de la propriété indivise et l’appeler à une vocation toute différente. Aujourd’hui, en face des grands domaines des anciens seigneurs, la terre communale représente, en Russie, la petite culture en même temps que la petite propriété. Si les achats des paysans continuaient à morceler les domaines seigneuriaux, il ne serait pas impossible que le rôle des deux modes de propriété ne fût un jour interverti. La grande et la petite culture ont chacune leurs avantages, chacune leurs défauts. Si, au point de vue social, on peut souvent préférer la seconde, au point de vue agronomique, au point de vue de la production, il est difficile, en certaines régions, de ne point préférer la première. Or, la propriété commune a cette singulière faculté de se prêter également à la petite culture et à la grande, de pouvoir réunir les avantages agricoles de l’une et les avantages sociaux de l’autre. Aux partages temporaires entre les familles, rien n’empêche de substituer un jour une exploitation en bloc par la commune, ou par grandes fermes, louées au compte de la communauté. Certes, ce serait là, pour le mir, une transformation qui le dénaturerait aux yeux de beaucoup de ses partisans ; mais peut-être un jour, si la tenure collective persiste jusque-là, trouvera-ton que c’est le seul moyen de la faire vivre et de la justifier. Sous ce rapport, en effet, elle offre d’incontestables avantages sur la propriété individuelle et morcelée. Dans un pays de grandes plaines et dans un âge de machines à vapeur, le régime de la communauté ne s’adapterait-il pas mieux que son rival à une exploitation rationnelle et scientifique ? Réunis

    p. 336. Ce pourrait bien, en effet, être là un jour le sort des terres communales, si elles étaient moins vastes ; mais, dans un pays où elles occupent la plus grande partie du sol arable, l’État ne saurait guère laisser les communautés de village devenir ainsi la dotation des indigents ; ce serait, faute de capital et de moyens d’exploitation, étouffer la production agricole.