Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 1, Hachette, 1890.djvu/99

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ces apostasies, alors même qu’elles se faisaient en troupe, ont toujours été relativement rares. Elles avaient lieu parmi des populations en partie déjà mêlées à leurs nouveaux maîtres chrétiens ou à leurs anciens sujets finnois. En dehors de la Russie et dans leur berceau même, les Tatars devaient avoir subi un certain croisement avec les races caucasiques, dans le Turkestan d’abord, où de temps immémorial ont habité de nombreux Iraniens, tels que les Tadjiks et les Sartes, puis sur les routes d’invasion, dans le Caucase notamment, où la communauté de religion facilitait des alliances que la beauté des Circassiennes dut faire rechercher des Turcs du Volga comme des Turcs du Bosphore.

Si dans les veines du peuple russe s’est infiltré peu à peu un notable courant de sang tatar, il découle peut-être moins des hordes de Batou et des envahisseurs du treizième siècle que des peuples congénères qui, pendant des milliers d’années, ont habité ou parcouru le midi de la Russie, depuis les Scythes de l’antiquité jusqu’aux Khazars, aux Petchénègues, aux Koumans ou Polovtzi du moyen âge. Sous le vague nom de Scythes, les anciens ont, comme ils le faisaient souvent, confondu des populations qui n’avaient entre elles aucune parenté ethnique. Il semble qu’il y ait eu parmi ces Scythes des tribus aryennes ; mais la plupart paraissent d’origine finno-turque. La chose est encore plus certaine pour les Khazars, les Koumans et les autres nomades, qui jusqu’à la grande invasion mongole se disputèrent le sud de la Russie. Longtemps ces peuples évanouis furent les seuls occupants de ces immenses contrées, dont les Grecs et les Italiens ne connaissaient que les côtes. En faut-il conclure qu’ils soient les ancêtres de la mince population de ces plaines encore à demi désertes ? Le territoire de tous ces barbares, des Scythes d’Hérodote aux Tatars de Rubruquis, était la zone déboisée, la zone des steppes, où la population est encore ou très disséminée, ou très récente. Pour livrer ces plaines a