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Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 2, Hachette, 1893.djvu/122

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il y a toujours les pensions et gratifications en argent. En aucun pays on n’en fait un pareil usage. Un fonctionnaire civil ou militaire d’un certain rang prend-il un congé illimité, on lui conserve par faveur ses appointements ; prend-il sa retraite, l’empereur, en le rendant à la vie privée, a la gracieuseté de l’élever d’un grade pour augmenter d’autant sa pension. Cela n’est rien ; une chose non moins habituelle et plus singulière, c’est l’habitude de donner aux fonctionnaires et employés des divers ministères d’abondantes gratifications, en dehors de leurs appointements réguliers. On y joint souvent la faveur d’un logement gratuit dans les bâtiments de l’État. C’est une des raisons qui font qu’en Russie les palais impériaux ou les hôtels ministériels comptent tant d’habitants. Encore une ressource du favoritisme et du népotisme. Les dépenses pour récompenses et secours aux fonctionnaires (na nagrady i posobiia tchinovnikami) figurent au budget pour une somme de sept millions de roubles, et cette somme ne comprend que les gratifications habituelles, inscrites régulièrement au budget. Il y faut ajouter les allocations et subventions accordées par l’empereur ou les ministres sur les fonds à leur disposition. Toutes ces générosités ne profitent guère qu’aux fonctionnaires qui sont près de la source des faveurs, aux administrations centrales, c’est-à-dire aux employés des divers ministères, au tchinovnisme pétersbourgeois, si bien que, d’après les calculs d’un écrivain russe, le personnel des différents ministères coûterait à l’État presque trois fois plus cher qu’en Prusse, et les sommes employées en gratifications ministérielles dépasseraient notablement la somme consacrée à l’entretien de toute l’administration centrale en France[1].

Le système des gratifications, alors imputées sur d’autres ressources, est, du reste, en usage dans l’administration

  1. Doumachevski, Obozrénié gosoudarst, rospisi, 1879.