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Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 2, Hachette, 1893.djvu/206

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soumises à la taxe, il y aurait là une énorme disproportion. Les zemstvos feraient porter double charge à la classe la plus pauvre, aux paysans, au profit de leur ancien seigneur, au profit surtout de la couronne. Cette choquante anomalie ne s’explique pas seulement par la prépondérance de la noblesse dans la plupart des assemblées provinciales, elle s’explique aussi par la nature et la qualité des immeubles imposés. En règle générale, les terres des paysans sont des terres arables, partout en culture régulière ; les biens de la noblesse et surtout les biens de l’État comprennent au contraire des forêts, des landes, des marécages, de vastes terrains improductifs. On comprend que ces derniers soient moins lourdement frappés que les champs fertiles du moujik. Dans les provinces du nord, où le sol est pauvre et la population rare, les grands domaines ont même souvent peine à acquitter les faibles impôts dont ils sont grevés. Là où la rentrée des contributions provinciales subit souvent des retards, la majeure partie de l’arriéré tombe fréquemment sur les grands propriétaires. Ainsi en est-il, par exemple, dans les districts de Peterhof, de Schlusselbourg, de Novafa-Ladoga, de Tsarsko-Sélo du gouvernement de Pétersbourg[1]. Ainsi en est-il encore dans le gouvernement de Smolensk, où l’arriéré des taxes dues par les grands propriétaires est si considérable que le zemstvo a demandé l’exclusion des contribuables en retard de la liste des électeurs. Dans les riches terres noires du sud, les propriétés peuvent être imposées proportionnellement à leur étendue et à leur fécondité ; dans le nord, au contraire, où, faute de fertilité et faute d’habitants,

    vaut au pair 4 centimes du franc. Il ne s’agit ici naturellement que des terres comprises dans les goubernies dotées d’États provinciaux.

  1. Il faut dire aussi que, si les paysans s’acquittent plus régulièrement de leurs taxes, c’est que vis-à-vis d’eux les procédés de perception sont beaucoup plus rudes que vis-à-vis des citadins et surtout vis-à-vis des propriétaires. Les moyens de perception varient, comme l’impôt, avec chacune des trois classes, et l’une des préoccupations les mieux justifiées de certains zemstvos est de faire cesser cette inégalité.