Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 2, Hachette, 1893.djvu/268

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capitale, donne une triste idée des petites municipalités de province. Il est des villes où parfois les convocations de la douma ne peuvent aboutir faute d’assistants[1]. Souvent, de même qu’aux zemstvos, les membres qui suivent régulièrement les séances le font dans un intérêt personnel : la ville est administrée par une petite coterie qui n’a en vue que ses propres avantages.

Les doumas des villes nous montrent, peut-être mieux encore que les assemblées territoriales, le peu d’application des Russes aux affaires publiques, leur peu de goût pour les fonctions électives, pour les fonctions gratuites du moins. Les marchands des villes ne semblent point, à cet égard, différer beaucoup des propriétaires de la campagne, ni la bourgeoisie de la noblesse. À en juger par le présent, la Russie n’aura jamais les avantages que l’Angleterre et la France elle-même ont su tirer des fonctions gratuites. Dans toutes les classes, les services non rétribués rencontrent peu d’amateurs ; si la vanité ou l’ambition font accepter un mandat électif, on apporte peu de scrupule à le remplir[2]. Cette égale incurie de l’électeur et de l’élu est aujourd’hui un obstacle à l’établissement du self-government local en Russie. Aux conseillers municipaux, de même qu’aux membres des zemstvos, on a proposé d’allouer une indemnité pécuniaire, en vertu du principe démocratique que tout service mérite rétribution. Une chose paraît certaine, c’est que toutes les doumas de l’empire ne tarderaient pas à se voter une subvention ou des jetons de présence, si la loi ou le mauvais état des finances municipales n’y mettait obstacle. Déjà les maires touchent

  1. Dans un des principaux ports du Midi, à Nikolaïef, on ne put, lors de la peste du Bas-Volga, réunir le conseil municipal pour délibérer sur les mesures à prendre contre l’épidémie : aucun membre n’avait répondu à l’appel du maire.
  2. Il faut, selon la remarque de notre traducteur allemand, faire exception pour les villes des provinces baltiques ; elles ont gardé le goût du libre service et de la gratuité : encore la plupart attribuent-elles un traitement à leur maire.