Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 2, Hachette, 1893.djvu/272

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tutions, qui ailleurs semblent une garantie, peuvent parfois dégénérer en instruments de corruption.

Au lieu d’être composés d’hommes animés du désir de se rendre utiles, ou inspirés par une honnête et inoffensive ambition, ces comités administratifs comptent trop souvent dans leur sein des gens attirés par l’appât des traitements municipaux ou des profits indirects à prélever sur les affaires de la ville. L’administration urbaine est ainsi d’autant plus dispendieuse et les abus coûtent d’autant plus cher que, pour chaque concession ou chaque entreprise, il y a plus d’appétits à satisfaire.

Le golova ou maire est de droit président des assemblées électorales de la ville, président du conseil municipal, président de la commission executive (ouprava). Comme beaucoup de ces assemblées, surtout dans l’intérieur des provinces, montrent peu de zèle ou peu d’indépendance, cetle triple présidence confère au maire un singulier ascendant. Le golova est maître de convoquer le conseil municipal à sa volonté ; il peut arrêter les décisions de la douma en les faisant déclarer inexécutables ou illégales par la délégation qu’il préside. Le législateur a remis en effet à l’ouprava le soin de veiller à la légalité des décisions du conseil dont elle émane. Par là le maire et le comité permanent sont érigés en juge de l’assemblée qui les a nommés ; par là cette dernière se trouve placée sous le contrôle des fonctionnaires municipaux qu’elle a pour mission de contrôler. Si, comme il arrive d’ordinaire, le maire est d’accord avec les représentants du pouvoir central et domine l’ouprava, il peut s’ériger en despote ou en tyran local, surtout dans les petites villes de province, où l’inertie de la société et le défaut de presse indépendante privent les habitants de tout moyen de résistance. Aussi entend-on parfois dire que le golova est moins le ministre docile des volontés de la douma que le tuteur de la ville. À en croire les pessimistes, la loi n’aurait donné de tels pouvoirs au maire que pour en faire l’instru-