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Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 2, Hachette, 1893.djvu/274

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égards, en Russie ; mais, en Russie, le pouvoir n’a encore rien à redouter de l’élection. Pour lui, des maires nommés ne seraient pas des agents beaucoup plus dociles que des maires élus. L’autorité incontestée du pouvoir peut ainsi aider à l’établissement de certaines franchises locales. Un gouvernement qui, dans les assemblées légales, ne rencontre jamais d’adversaires déclarés, peut aisément se dépouiller des armes que l’on n’oserait tourner contre lui. C’est ce qui se voit dans les États du tsar, où les ministres n’ont à craindre l’opposition d’aucun corps constitué. L’autorité y peut sans inquiétude octroyer aux villes, aux communes rurales, aux provinces, des droits que ne leur saurait peut-être point toujours accorder un gouvernement plus libre, mais plus contesté. À la couronne, de tels présents ne coûtent rien, ils ne coûtent même guère à la bureaucratie et au tchinovnisme. En revanche, si la force du pouvoir central lui rend certaines générosités plus faciles, elle en rend aussi la valeur singulièrement moindre. Lorsque, en Russie, il y a un dissentiment entre les représentants élus des municipalités et les représentants du tsar, il n’y a point de doute sur l’issue du différend. La chose est si certaine qu’il ne saurait y avoir de conflit de pouvoirs.

Dans les villes russes, d’autres raisons assurent encore aujourd’hui l’innocuité de l’élection des maires. D’abord le suffrage est restreint, puis aucune ville, grande ou petite, ne forme encore de ces agglomérations révolutionnaires ou socialistes comme il en existe en Occident. Si l’élection du chef de la municipalité offre quelques inconvénients, ce ne sont pas d’ordinaire ceux qui se rencontrent ailleurs. En d’autres pays, en France par exemple, le défaut du maire élu, c’est le plus souvent de dépendre trop de ses électeurs, de les ménager jusque dans leurs fautes et leurs délits pour ne s’en pas faire d’ennemis. En Russie, c’est plutôt le contraire, ce sont les électeurs qui manquent d’indépendance vis-à-vis du golova qu’ils ont