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Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 2, Hachette, 1893.djvu/365

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tous les autres tribunaux, la Russie, au rebours de l’Angleterre, a préféré le système de la pluralité des juges, sans s’arrêter au reproche, fait à la justice collégiale, d’affaiblir l’attention et la conscience du juge en divisant la responsabilité. D’après la loi russe, dans chaque cause civile ou criminelle, doivent siéger trois magistrats, dont l’un fait fonction de président. Les tribunaux de cercle ou d’arrondissement jugent au criminel comme au civil, dans ce dernier cas, avec le concours du jury et sans appel. Alors même, la loi laisse aux cours supérieures une sorte de contrôle sur les tribunaux de cercle, en n’autorisant les pour suites criminelles, devant ces derniers, que sur l’avis de ls cour d’appel (soudebnaya palata).

L’empreinte française est particulièrement marquée dans la cour suprême et dans le mode de cassation. Les Russes nous ont emprunté le mot et la chose[1]. En laissant le sénat dirigeant de Pierre le Grand au sommet de leurs institutions judiciaires, ils en ont ramené les fonctions à celles de notre cour de cassation. Comme cette dernière, le sénat russe, à l’inverse de ce qui se fait en d’autres pays, se borne à vérifier la régularité de la procédure et la légalité des décisions des tribunaux, sans décider lui-même sur le fond des affaires[2].

À la différence de notre haute cour de justice, le sénat russe n’est pas seulement cour de cassation. De ses anciennes fonctions, attestées par son titre illusoire de sénat

  1. Un des rédacteurs des statuts judiciaires, M. Boutskovski (Otcherki soudebnyk poriadkof, S.-Pét., 1874, p. 11), s’est attaché à faire ressortir les traits par lesquels la copie russe diffère de l’original français. Il en compte jusqu’à cinq ; mais ce sont pour la plupart des différences de détail qui ne méritent pas d’être notées ici. La principale, c’est que, pour certaines affaires, les assises de paix sont érigées en cour de cassation.
  2. Je dois dire que la loi qui restreint l’office de la cour suprême à ce rôle de revision a été l’objet de plus d’une critique. On reproche à ce système d’accroître démesurément et sans utilité la durée et les frais des procès. Certains juristes voudraient qu’au lieu de se borner à casser les arrêts des cours inférieures, le sénat pût, en matière civile, rendre lui-même une sentence définitive.