Aller au contenu

Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 2, Hachette, 1893.djvu/412

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tchich, Sophie Pérovski et leurs complices, tenant fièrement tête à l’accusation, discourant manifestement pour le dehors, comme un orateur d’opposition dans un parlement. Ces plaidoyers des « nihilistes » ne sont pour la plupart que d’audacieuses apologies de la révolution. Par leur ton à la fois doctrinal et ironique, enthousiaste et méprisant, ces professions de foi révolutionnaires m’ont plus d’une fois rappelé les Acta martyrum et les paroles mises dans la bouche des confesseurs du christianisme en face des proconsuls romains. Les juges en ont été souvent impressionnés, et il est certain qu’un pareil langage en une pareille situation ne laissait pas que d’émouvoir la jeunesse.

Un gouvernement maître d’imposer ses convenances devait difficilement résister à la tentation d’épargner à ses sujets de tels exemples. Le gouvernement russe a d’abord montré sur ce point plus de longanimité et de scrupules qu’on n’en eût peut-être attendu de lui, et que n’en ont fait voir en semblable circonstance ses alliés d’Allemagne[1]. Il lui répugnait manifestement de se démentir lui-même, de supprimer à si courte échéance des franchises ou des garanties qu’il avait accordées de bonne foi. Aussi, quand il s’est cru obligé de revenir en arrière, il l’a fait à contrecœur, timidement, subrepticement, honteusement, comme s’il craignait de laisser apercevoir ses contradictions. On a longtemps hésité, tâtonné, changé de manière de voir, sans s’arrêter nettement à un parti.

C’est ainsi que, au lieu d’abolir légalement la publicité


    alors âgée de vingt-trois ans, au grand procès des socialistes de Moscou, en 1877. Ce discours a été reproJuit, en termes plus ou moins authentiques, dans une brochure russe de Genève, intitulée les Femmes du procès des socialistes de Moscou, infanticide commis par le gouvernement russe.

  1. Depuis le double attentat de Hœdel et de Nobiling contre l’empereur Guillaume en 1878, nombre de procès pour offense à l’empereur ont été jugés à huis clos. On se rappelle qu’au moyen d’un projet de discipline parlementaire M. de Bismarck a même tenté de restreindre la publicité des débats dans les Chambres.