Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 2, Hachette, 1893.djvu/453

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d’Élisabeth et de Catherine, la plus douce et la plus indulgente de l’Europe. Les criminalistes se sont préoccupés de cet amollissement de la pénalité, et l’autorité, se sentant trop mal armée contre le crime, a été obligée de songer à rendre le Code pénal plus efficace.

De tout temps, la discipline a été naturellement encore plus relâchée pour les déportés de la seconde catégorie, les convicts, simplement colonisés en Sibérie ou ailleurs. Ils ne sont guère soumis à d’autre obligation qu’à celle de ne point quitter la résidence qui leur a été fixée. Une fois transportés au lieu désigné pour leur séjour, ces colons forcés (silno-poselentsy) demeurent à peu près en liberté, sous la surveillance souvent somnolente d’une police peu sévère ou peu exacte. Ceux qui ont quelque fortune peuvent vivre de leurs revenus, louer une habitation ou s’en faire construire une, avoir des livres ou des instruments de musique, des chevaux ou des voitures, se donner tous les plaisirs que comportent le climat et l’exil. Les autres peuvent reprendre leur ancien métier, travailler à la terre ou bien louer leurs bras dans les mines d’or, où ils font concurrence aux ouvriers libres. Ils jouissent du fruit de leur travail, peuvent faire le commerce, devenir propriétaires. Beaucoup sont accompagnés de leurs femmes, qui se sont fait un devoir de les suivre ou de les rejoindre. Les règlements facilitent ces réunions de ménages, qui sont un grand adoucissement aux rigueurs de l’exil. Les célibataires sont autorisés à se marier avec des femmes déportées ou avec des Sibériennes. Chaque année, le gouvernement consacre une certaine somme, 2 ou 3000 roubles, aux frais de mariage des colons forcés qui n’y peuvent subvenir. Les condamnés se donnent des fêtes dont l’eau-de-vie fait le principal agrément, et ils y invitent les soldats ou les employés préposés à leur garde. En Sibérie, plus encore qu’en Russie, le grand mal est l’arbitraire des agents du pouvoir, lequel trouve, là aussi, son correctif habituel dans la vénalité. Arbitraire et vénalité ont un champ d’autant plus