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CHAPITRE IV


Du despotisme de la commune. — Difficultés et inconvénients de tout contrôle bureaucratique. — La réforme de l’administration locale de l’empereur Alexandre III. — Paysans et noblesse territoriale. — Les chefs de canton ruraux. — Mise en tutelle des communes. — Le self-government du mir est-il une préparation à la liberté politique ?


Aux yeux du pouvoir, le but principal, le but unique de l’administration rurale en Russie, a longtemps été d’assurer les rentrées du fisc. Telle est encore aujourd’hui, pour le gouvernement central, la principale utilité des communes de paysans. La commune est à cet égard l’héritiëre de l’ancien seigneur, la légataire du servage. Grâce à la solidarité des taxes entre tous les membres du mir, le gouvernement trouve dans la commune le plus zélé, le plus exact, le plus impitoyable des percepteurs. L’impôt serait toujours soldé à heure fixe, s’il ne dépassait parfois les forces du contribuable. C’est à ce titre de receveur ou de fermier des taxes que la commune doit en grande partie son autonomie administrative, c’est à lui surtout qu’elle doit son pouvoir sur ses propres membres. Pour être sûr d’être payé par elle, l’État a dû lui laisser répartir à son gré les charges de ses membres, il a dû lui concéder tous les moyens de rigueur à la disposition de l’autorité.

La solidarité des paysans devant le fisc est ainsi l’une des causes de leur sujétion dans la commune. C’est là, plus encore que dans la communauté des biens, qu’est la raison manifeste du despotisme intéressé du mir, qu’est l’obstacle