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Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 2, Hachette, 1893.djvu/592

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Comme presque toutes les classifications, celle de Nicolas Tourguénef, si naturelle qu’elle semble, n’est du reste pas d’une rigoureuse exactitude. À y bien regarder, nous avons déjà eu l’occasion de l’indiquer à propos des tribunaux et de la haute policeS toutes les réformes administratives et judiciaires, toutes les institutions qui prétendent établir un régime légal et régulier, tendent indirectement à borner dans la pratique le pouvoir illimité de l’autocratie. Entière en droit, l’autocratie ne le serait plus en fait si toutes les réformes promulguées avaient été appliquées dans leur plénitude et leur sincérité. Et il n’en saurait être autrement. Toute réforme inspirée de l’esprit moderne a pour premier effet de mettre au régime du bon plaisir des obstacles ou des bornes.

Aussi peut-on dire qu’entre les réformes qui semblent compatibles avec le gouvernement autocratique et celles qui ne le paraissent point, l’intervalle n’est ni aussi large ni aussi profond qu’il le semble au premier coup d’œil. En réalité, la concession de droits politiques ne ferait qu’étendre à de nouvelles sphères, aux finances de l’État, à la police, à l’administration générale, aux affaires extérieures, les droits déjà reconnus à la société dans l’administration locale et la justice.

Avant de chercher quelles seraient les conditions de cette émancipation politique et ce que pourrait être une constitution russe, il est bon d’envisager les objections, les objections russes surtout. Il y en a plusieurs de valeur inégale ; je n’examinerai que les plus fréquentes ou les plus sérieuses.

Et d’abord, pour donner à ce peuple une voix et une représentation, il faudrait qu’il fût homogène, qu’en Russie il n’y eût que des Russes, que le pouvoir n’eût devant lui qu’une nation et qu’un peuple. L’empire du Nord n’est-il pas trop vaste, ne compte-t-il pas dans son sein trop de