Aller au contenu

Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 2, Hachette, 1893.djvu/611

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tution serbe, ou bien dans le statut bulgare jadis élaboré à Saint-Pétersbourg par la chancellerie russe, et bientôt après suspendu parle coup d’État du prince Alexandre ; aux applaudissements de la presse nationale de Moscou ?

Ce statut bulgare, défiguré par les notables de Tirnovô jusqu’à en être devenu méconnaissable, a pour nous l’intérêt d’avoir été rédigé, sur l’ordre du tsar, par un homme d’État russe, pour un peuple slave. On est naturellement tenté de se demander si c’est sur le même patron que serait taillée une constitution russe, le jour où, pour les mettre politiquement sur le même pied que leurs protégés du Balkan, le tsar se résoudrait à octroyer une charte à ses cent millions de sujets.

En ce cas, où serait l’originalité slave et l’empreinte nationale ? Serait-ce dans une chambre unique comme en Serbie ou en Bulgarie ? Veut-on, dans ces constitutions iougo-slaves ou dans les obscures traditions slavonnes, découvrir quelque caractère national, ce ne peut guère être ailleurs.

Et en effet, à tort ou à raison, une assemblée unique serait généralement regardée comme plus slave, plus russe qu’un parlement avec deux chambres distinctes et indépendantes, comme en ont aujourd’hui la plupart des peuples civilisés d’Europe et d’Amérique. Si, au fond, cela n’est pas plus slave qu’autre chose, — car, en dehors de nos grandes assemblées de la Révolution, la Grèce en Europe et Costa-Rica en Amérique n’ont encore aujourd’hui qu’une seule chambre, — cela paraît plus conforme aux goûts et aux préjugés, si ce n’est aux traditions et aux besoins des Slaves modernes. Pour ces nouveaux venus à la vie politique comme pour l’amour-propre russe, une assemblée unique a le grand mérite d’être quelque chose de moins commun, de moins banal ; outre un faux air de nouveauté, elle a une certaine saveur démocratique dont Russes, Serbes ou Bulgares, la plupart des Slaves se montrent très friands. Aux yeux du gouvernement de