Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 2, Hachette, 1893.djvu/83

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stériles dissertations théoriques. À l’aide de ces commîssions spéciales, le gouvernement remédie à l’insuffisance de son Conseil législatif ; mais ce n’est pas sans un double inconvénient. C’est, d’abord, au prix d’une lenteur désespérante, qui ferait souvent paraître rapide la longue procédure de nos parlements les moins expéditifs ; c’est, ensuite, en perdant tous les avantages d’une législation uniforme et homogène. Issue de commissions diverses et sans lien entre elles, de comités étrangers les uns aux autres et obéissant parfois à des impulsions opposées, la législation russe garde forcément quelque chose de fragmentaire, d’incohérent, d’inconséquent. Le mode de confection des lois explique le peu d’harmonie et le peu de fruits de beaucoup des meilleures réformes du règne d’Alexandre II.

On ne saurait rendre au Conseil de l’empire le rôle que lui destinait son fondateur, sans en relever le niveau et en étendre les droits, et cela ne saurait se faire sans en modifier la composition. On y a songé à la fin du règne d’Alexandre II. On a parlé non seulement d’augmenter le nombre des membres du Conseil, mais d’y appeler, à côté des représentants de l’empereur, des représentants du pays, choisis dans le sein des assemblées provinciales, si ce n’est élus par elles. Beaucoup de Russes se plaisent à voir, dans un tel expédient, un moyen de faire participer la Russie à son gouvernement sans lui donner de constitution, un moyen d’avoir sans élections politiques l’équivalent d’un parlement[1]. Quelle que soit la valeur pratique de pareils procédés, l’empereur Alexandre II semble n’en avoir pas été éloigné au moment de sa mort, et des projets analogues pourraient, sous ses successeurs, être remis sur le tapis. En attendant, ce qu’il n’a pas encore osé faire d’une manière régulière et permanente pour le Conseil de l’empire, le gouvernement impérial l’a déjà pratiqué partiellement pour quelques-unes de ses grandes

  1. Nous reviendrons plus loin sur ces délicates questions, liv. III et liv. VI.