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Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 2, Hachette, 1893.djvu/9

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l’empire de la coutume, vivant dans ses formes archaïques de sa vie propre et spontanée. Antérieure au servage, la commune lui a résisté et survécu, persistant, grâce à son caractère économique, à travers les trois siècles d’asservissement du paysan. Le servage s’est superposé au mir, sans le détruire ; la commune rurale ne pouvait pas cependant ne point se ressentir de la condition civile de ses membres. Ayant subi les effets du servage, elle a dû ressentir l’effet ou le contre-coup de l’émancipation. La servitude de la glèbe l’avait naturellement déprimée, l’émancipation l’a relevée et affranchie avec les paysans.

Au temps du servage, l’administration, comme la justice locale, était en grande partie aux mains du seigneur ou de son intendant. Le seigneur, étant le tuteur-né de ses paysans, exerçait sur les communes de ses domaines une véritable tutelle. Le mir, sous ce régime paternel, était plutôt une institution économique qu’une institution administrative. L’émancipation, en rompant les liens du paysan et du propriétaire, posait à nouveau la question de l’administration rurale. En rendant aux paysans la liberté personnelle, beaucoup des anciens maîtres eussent voulu conserver une part de l’administration, un droit de surveillance ou de contrôle sur leurs affranchis. Certains propriétaires réclament encore aujourd’hui pour la noblesse, dans l’intérêt même des paysans, qu’ils considèrent comme d’incapables mineurs, la tutelle plus ou moins déguisée des communes. Le gouvernement impérial n’a point admis ces prétentions. Le moujik a reçu à la fois l’émancipation civile et l’émancipation administrative : les doléances de ses détracteurs ne semblent lui devoir enlever ni l’une ni l’autre.

Le statut de 1861, qui est resté la charte des paysans, affranchit les communes rurales de toute dépendance, de toute autorité seigneuriale. L’administration communale a été abandonnée à l’élection, le mir choisit ses fonctionnaires dans son sein, c’est-à-dire parmi les villageois, car