Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 3, Hachette, 1889.djvu/108

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exception faite du Psautier, de tout temps un des préférés de la dévotion russe. En certaines régions, le peuple considérait même comme un péché de garder chez soi les Évangiles : l’église seule lui semblait digne d’abriter les livres sacrés.

Les sociétés bibliques anglaises avaient, dès 1812, essayé d’établir des succursales en Russie : elles y parvinrent en 1813. L’empereur Alexandre Ier se fit inscrire parmi les membres de la Société biblique russe ; le prince Alex. Galitzine, ministre des cultes, en fut le président. Sous un tel patronage, en un pays aussi épris de tout ce qui est officiel, une pareille œuvre devait prendre une extension rapide. Près de trois cents sociétés affiliées couvrirent en peu de temps la surface de l’empire. Un moment, on vit un archevêque catholique y siéger à côté de prélats orthodoxes et des zélateurs de l’illuminisme alors en vogue. La Bible, traduite en vingt langues différentes, fut distribuée par centaines de milliers d’exemplaires : une version française était destinée au beau monde. Sous le couvert des deux Testaments, les promoteurs de l’entreprise, des missionnaires anglicans, espéraient voir l’esprit de la Réforme s’insinuer peu à peu dans l’Église russe. Des membres du clergé s’en effrayèrent. Aussi la Société biblique russe n’eut-elle qu’une courte existence. Son puissant patron, le mobile Alexandre Ier, la prit lui-même en suspicion. Le prince Galitzine fut obligé d’abandonner la présidence au métropolitain de Pétersbourg, Séraphim. Elle eut beau être épurée, la Société ne survécut pas à l’empereur Alexandre. Un des premiers actes de Nicolas fut de la dissoudre[1] (1826).

Pour apprécier le rôle de la Société biblique et les que-

  1. Toute cette histoire a été racontée, au point de vue protestant, par le principal agent des Missions anglaises en Russie, le Dr Pinkerton : Russia or Miscellaneous observations, 1833. On trouve dans le même ouvrage de curieux témoignages des penchants « évangéliques » de Philarète et de son maître Platon. Cf. Fürst Alex, Nik, GaliUin und seine Zeit, aus der Erlebnissen von P. von Gœtze (1885).