Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 3, Hachette, 1889.djvu/125

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contadino du sud de l’Italie ne prodigue pas plus d’hommages à ses riantes madones que le moujik à ses vierges enfumées. Toute la différence est dans la manière dont s’exprime leur dévotion.

La piété russe semble plus formaliste ; elle semble avoir moins d’imagination. Le moujik paraît moins enclin à parler à l’image, à s’entretenir avec elle ; il a l’air surtout préoccupé de lui rendre ses devoirs, de s’acquitter vis-à-vis d’elle de ce qu’il lui doit. Il fait brûler un cierge devant l’icône ; il la salue de signes de croix et de révérences répétés ; il lui apporte son aumône pour la parer. En dehors des images en renom, le Russe, de même que le Grec, semble honorer également toutes les icônes offertes à sa piété. On voit les pèlerins faire le tour des églises en baisant successivement les pieds ou les mains de toutes les images, sans regarder le visage du saint ni s’inquiéter de son nom. C’est une sorte de tournée que les Grecs accomplissent souvent en riant et en causant, les Russes plus lentement, avec le sérieux qu’ils apportent toujours dans la maison de Dieu. De même que le pied de bronze du saint Pierre de Rome, les pieds des icônes russes sont souvent usés par les baisers des fidèles ; il faut les repeindre à neuf à certaines époques. J’ai vu à Kief, et aussi en Palestine, des pèlerins orthodoxes, entrés par mégarde dans une église catholique, en faire le tour avec ce même souci de n’oublier dans leurs hommages aucun des saints du lieu. En pareille matière, le moujik est singulièrement éclectique ; l’important, pour lui, semble être de ne négliger aucun des personnages ou des officiers de la cour céleste.

Au-dessus de la plèbe, en quelque sorte anonyme, des images qui portent en vain leur nom ou leurs attributs, s’élèvent les icônes réputées miraculeuses et honorées du titre de faiseuses de prodiges. La Russie en est peut-être plus riche que l’Italie ou l’Espagne. Il est peu de villes ou de couvents qui ne se fassent gloire d’en montrer. Comme