Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 3, Hachette, 1889.djvu/134

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mignardise ; en poursuivant le naturel, ils tombent dans la vulgarité. Quand elles veulent se moderniser et s’enjoliver, qu’elles essayent de sourire dans leur vêtement de vermeil, les icônes russes ne font que perdre leur dignité : elles ressemblent à de vieilles femmes qui ne savent point être de leur âge. On comprend que les sectaires repoussent tous ces types adoucis ; dans ces visages roses et mièvres, le vieux-croyant se refuse à reconnaître le Christ et la Vierge. Comme le moujik, on serait tenté de leur préférer les grossières images de Souzdal[1].


Il en a été de la musique autrement que de la peinture. Si les lois ecclésiastiques en ont rétréci le champ, elles ne l’ont pas entouré de bornes aussi étroites, où le génie russe ne s’y est pas laissé enfermer. Il ne s’est point contenté de ce qu’il avait reçu de Byzance, il s’est fait du chant religieux un art national.

De même qu’entre les arts du dessin elle n’admet que le moins matériel, la peinture, l’Église orthodoxe ne tolère, en fait de musique sacrée, que la plus spirituelle, la plus liée à la prière, le chant. Chez elle, point d’instruments inanimés de bois ou de cuivre ; rien, pour louer Dieu, que la voix humaine, l’instrument vivant, accordé par le Seigneur pour célébrer ses louanges éternellement. Dans les temples de l’Orient, ni harpe ou psaltérion, comme chez les Hébreux, ni viole ou basson, tels que Fra Angelico et le Pérugin en mettent aux mains de leurs anges, ni orgue aux mille sons, ni orchestre aux instruments variés ; rien pour soutenir le chant des clercs ou des fidèles : à l’église comme au ciel, les cantiques des hommes, de même que

  1. Pour certaines de leurs grandes églises, telles que Saint-Isaac, les Russes ont repris la décoration en mosaïque partout d’un caractère si monumental. Ils ont, à Pétersbourg, une fabrique de mosaïque qui ne le cède en importance qu’à celle des papes, dont elle imite les méthodes. Au lieu de demeurer un art distinct, essentiellement décoratif, ayant ses procédés et ses effets, la mosaïque, en Russie comme à Rome, prétend, à force de nuances et de finesse, reproduire servilement la peinture.