Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 3, Hachette, 1889.djvu/146

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brer. Les inconvénients de ces chômages répétés sont d’autant plus sensibles qu’un grand nombre tombent sur la belle saison[1]. Au temps de la fenaison ou de la moisson, on voit ainsi parfois le foin pourrir sur place ou le grain germer, pendant que faneurs ou moissonneurs sont à faire la fête. Aussi les propriétaires répètent-ils que les jours fériés sont une des calamités de l’agriculture russe. Les pédagogues ne s’en plaignent guère moins que les agronomes. J’en ai entendu calculer que, pour obtenir des enfants russes autant de travail que des français ou des allemands, il fallait leur demander un ou deux ans d’école de plus.

On comprend que l’opinion et le gouvernement se soient préoccupés de cette question. La plus haute autorité de l’Église russe, le Saint-Synode, l’a même parfois, dit-on, mise à l’étude. Pour réduire le nombre des jours fériés, on pourrait distinguer entre les fêtes et, comme à Rome par exemple, maintenir pour certaines d’entre elles l’obligation d’assister aux offices, tout en autorisant le travail. Par malheur, il est douteux que tous les sujets du tsar reconnaissent au synode de Pétersbourg le droit de déclasser à son gré des fêtes de tout temps célébrées par l’Église. Puis, pour être officiellement supprimées, elles ne cesseraient pas toujours d’être conservées par le peuple. Déjà quelques-unes des fêtes le plus volontiers célébrées par le moujik, celles de Saint-Élie ou de Notre-Dame de Kazan entre autres, ne lui sont pas imposées par l’Église.

Il est vrai que ces innombrables fêtes, le Russe ne les chôme pas toujours avec scrupule. J’ai vu, au cœur de la vieille Russie, des paysans achever leurs travaux le dimanche. Ils n’ont pas, pour le repos du Sabbat, le respect judaïque des protestants anglais ou américains. Ils ne

  1. Dans le district de Staraïa Roussa, par exemple, le nombre des jours de travail est réduite 245 ; il en est de même dans celui de Valdaï, tandis que. pour les catholiques de Kovno, il monte à 270 et, pour les luthériens des provinces baltiques, à 290. (Enquête agricole.) Cf. Fontenay, Voyage agricole en Russie.