Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 3, Hachette, 1889.djvu/171

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tout finit par se découvrir. Le pope fut, dit-on, dégradé, et la jeune fille criminelle graciée par l’empereur. De tels faits sont trop exceptionnels pour retenir souvent l’aveu des péchés sur les lèvres du coupable. Ce que le mariage du prêtre peut arrêter, c’est moins peut-être la confession des crimes et des fautes graves que les confidences et les effusions de l’âme religieuse. Marié et père de famille, comme un simple mortel, le pope n’est point entouré de l’angélique auréole que met au front du prêtre catholique le vœu de chasteté ; il n’exerce pas sur les cœurs pieux, sur les femmes surtout, la même fascination mystique.

Une autre cause de cette simplicité de la confession et en même temps du formalisme qui a envahi l’Église, c’est l’usage de faire payer immédiatement au fidèle chaque fonction que le prêtre remplit pour lui. En Russie, de même qu’en Orient, tous les sacrements se payent, la pénitence aussi bien que le baptême ou le mariage. C’est là une triste nécessité de la pauvreté du clergé ; il n’a point de budget suffisant pour affranchir le fidèle de pareilles redevances. Ces offrandes n’ont pas de tarif : pour la confession du moujik, c’est 10 ou 20 kopeks (40 ou 80 centimes), pour celle du riche quelques roubles. Les dons dépendent de la condition ou de la générosité, de la vanité ou du repentir. Cette aumône, remise comme un salaire à la fin de la confession, incline le prêtre à l’indulgence et à la réserve ; il se sent intéressé à encourager la libéralité du pénitent et à en garder la pratique. Pour l’Église et pour son ministre, le fidèle devient une sorte de client.

Si la confession et les autres pratiques de dévotion sont souvent, en Russie, des actes purement extérieurs, tout cérémoniels, la faute en est, pour une bonne part, à l’intimité des deux pouvoirs, à la force légale que l’État prête aux commandements de l’Église. Ce n’est pas impunément qu’on transforme les devoirs religieux en obligations civiles. La législation russe ordonne à tout orthodoxe de recevoir les sacrements au moins une fois par an ; d’après un article du