Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 3, Hachette, 1889.djvu/183

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L’invasion des Tatars et le transport du centre politique de la Russie des bords du Dniepr au bassin du Volga relâchent, en les isolant, le lien de Byzance et de sa fille. Le métropolite, qui suit les grands-princes à Vladimir, puis à Moscou, est encore suffragant du patriarche grec, mais il est de sang russe ; il est élu par son clergé ou choisi par le souverain. Les guerres civiles des princes apanages, puis la domination tatare, lui garantissent longtemps plus d’influence ou d’indépendance que ne lui en eût laissé un pouvoir plus fort. Comme les kniazes de Moscou, les métropolites étaient confirmés par les khans mongols. La politique des oppresseurs se joignait à la piété des princes nationaux pour assurer les prérogatives de la hiérarchie ecclésiastique. Russes et Tatars contribuaient à l’ascendant d’un clergé dont les chefs servaient d’arbitres entre les difFérents kniazes, ou d’avocats vis-à-vis de l’envahisseur. Il n’y avait qu’un métropolite et il y avait plusieurs princes. L’autorité métropolitaine s’étendait plus loin que le pouvoir du souverain. Ce dernier avait intérêt à ménager le chef du clergé, à s’en faire un allié ou un instrument. Et, de fait, l’unité de la hiérarchie a préparé l’unité politique. Les métropolites peuvent être comptés au nombre des fondateurs de la Moscovie. Cet âge est peut-être le plus glorieux de l’Église russe ; c’est son âge héroïque ; c’est l’époque de ses plus grands saints nationaux : les Alexandre Nevski, les Alexis, les Serge, l’époque de la plupart de ses grandes fondations monastiques.

Pendant que les métropolites de Moscou aidaient à « rassembler la terre russe », une autre métropolie surgissait à l’ouest, dans les terres orthodoxes passées sous la domination lithuano-polonaise. L’Église se dédoublait, comme la Rous antérieure à l’invasion tatare. Jaloux de posséder une hiérarchie indépendante du Moscovite leur voisin, les princes lithuaniens érigeaient dans leurs États, tour à tour à Vilna et à Kief, une métropole rivale de Moscou. Les prélats moscovites eurent beau continuer à s’intituler